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Apparue récemment, l’orthorexie est l’obsession du « manger sain ».
Stimulée par les réseaux sociaux, cette pathologie est à ajouter à la longue liste des troubles du comportement alimentaire.
Découvrez dans cet article de quoi il retourne et évaluez si vous êtes concerné(e).
Le lien entre orthorexie et réseaux sociaux n’est pas si simple à comprendre. Dans cet article vous pourrez comprendre les mécanismes à l’œuvre, avant de réaliser vous-même le test du docteur Bratman qui vous permettra de mesurer si vous êtes concerné(e) par certains de ces symptômes.
Les réseaux sociaux, où l’art de la mise en scène de soi-même
Si vous avez Snapchat sur votre téléphone ou si vous utilisez Instagram, vous comprendrez rapidement de quoi je parle. Pour les autres, voici un petit rappel de ce que sont ces deux applications :
Très populaires, notamment chez les générations les plus jeunes, ces deux applications modifient petit à petit la manière de prendre des photos.
L’évolution profonde du rapport à l’image
Alors qu’avant on photographiait pour garder des souvenirs (c’est-à-dire qu’on prenais des photos pour soi), dorénavant on prend des photos pour publier son quotidien (on les prend maintenant pour les autres). Avant les smartphones, les photos étaient développées sur papier, puis collées soigneusement dans des albums photos qu’on rangeait dans les placards. Le processus était plutôt coûteux et ressemblait beaucoup à de l’archivage.
Actuellement, le processus est plus rapide et presque gratuit (il faut quand même avoir un smartphone 😉 ). N’importe qui peut voir la photo immédiatement après sa prise. Le processus ressemble plus à de la publication et a de l’auto-promotion. Snapchat accentue d’ailleurs cette impression en proposant chaque jour à vos contacts de voir votre « Story », c’est-à-dire la compilation de l’ensemble de vos publications du jour.
Aussi pratiques qu’elles soient, ces applis ont quand même des limites :
- Vos « amis » n’en sont pas tous
La mise en contact entre les gens étant très simple, alors il est courant que vous soyez connecté avec beaucoup plus de personnes que vous n’en côtoyez réellement. La liste des contacts grossit et ce que l’on appelle à tort des « amis » devient en fait une liste de « connaissances » plus ou moins proches. Certains contacts sont d’ailleurs plutôt des contacts très très éloignés.
Ce problème entraîne un manque criant d’intimité. Parce que vous n’êtes pas complétement exhibitionniste (enfin, j’espère ! 😉 ) et que vous savez que l’image sera vue par des gens qui ne sont pas vraiment des amis, vous prenez des photos qui ne sont pas trop explicites et qui ne risquent pas de se retourner contre vous…
Pour les photos de visage, vous préférez donc recommencer 15 fois votre prise de vue et publier une photo bien soignée sur laquelle on n’aperçoit pas le petit bouton d’acné qui vous pourrit la vie depuis deux jours… À cause de cela, adieu la spontanéité, bonjour la mise en scène et l’égocentrisme !
Pour pallier à ce manque criant de spontanéité, vous vous mettez donc à publier de plus en plus de photos de vos mains pour montrer ce que vous faites, ou de vos pieds, pour montrer où vous êtes ! C’est plus facile à faire, plus rapide et cela évite de montrer son visage. Pas besoin de prendre la pause trente fois de suite… - Tout le monde n’est pas Brad Pitt ou Angelina Jolie
La plupart des utilisateurs de ces applis sont comme moi : ils ont une vie carrément banale ! Rien de palpitant dans le quotidien, donc rien de bien folichon à montrer…
Nous ne sommes pas des stars people avec une vie de rêve et un quotidien passionnant. Du coup, dès que vous avez quelque chose d’un peu bruyant ou de coloré qui passe dans votre environnement, vous le partagez, dans l’espoir inavoué que vos contacts trouveront cela délicieusement peu banal !
On se retrouve donc avec une surenchère de celui qui arrivera le plus à étonner, à faire rêver, mais surtout à rendre les autres jaloux ! L’une des tendances au top sur ces photos est donc de se mettre en situation avec des signes extérieurs de richesse, histoire de bien faire baver les autres.
Si vous passez dans un aéroport, alors là vous décrochez le jackpot. Quoi de mieux pour faire rêver qu’une photo dans un aéroport ? En réalité vous allez peut-être à Roubaix (désolé pour les roubaisiens) ou à Saint-Etienne (où j’habite. Heuu… désolé pour moi 😉 ), mais vos contacts vont peut-être imaginer que vous avez une destination de rêve, grâce à votre quotidien incroyablement palpitant !
Montrer l’excellence de sa conduite et créer un intérêt pour son quotidien
Cette nouvelle habitude de communiquer son quotidien est inédite. Tout le monde se convertit petit-à-petit à cet art de la mise en scène de soi-même. Sur certains réseaux sociaux comme Snapchat et Instagram (mais c’est aussi valable pour d’autres), on assiste carrément à une surenchère.
N’importe qui peut ainsi se prendre pour une star de magazine le temps de quelques photos. On devient son propre paparazzi, à la recherche du « petit truc » qui pourra rendre notre vie enviable.
Tout le monde veut être plus intéressant, plus beau, plus équilibré que son voisin. On se met en scène devant son miroir torse nu pour les hommes ou t-shirt relevé pour les femmes afin de montrer comme on a un ventre plat ou des abdos de magazine. On se prend en photo à la salle de sport pour montrer à quel point on est déterminé à avoir une vie équilibrée. On photographie une salade pour prouver comme on est capable de résister à toute tentation dans notre quête du corps parfait.
Les fans de petits chats deviennent encore plus fans de chats, les sportifs deviennent encore plus sportifs, les adeptes d’une alimentation saine deviennent encore plus extrêmes dans leur quête d’une alimentation healthy !
Chacun accentue un trait de son caractère ou une habitude de son quotidien qui plaît, afin d’épater toujours plus son audience.
L’orthorexie, où l’émergence d’un nouveau trouble du comportement alimentaire
Cette tendance à l’auto-promotion et à l’accentuation de ses particularités est assez bon enfant. Je trouve cela plutôt rigolo et il arrive souvent que l’on se taquine entre amis lorsqu’un pote fait un peu trop le beau gosse devant une piscine, ou qu’une amie met sa bouche en canard pour faire le fameux « duckface » qui donnera l’impression d’avoir des lèvres pulpeuses.
Malheureusement, l’apparition de ce nouveau trouble du comportement alimentaire, l’orthorexie, fait prendre conscience que cela peut devenir dangereux dans le domaine de l’alimentation.
Attention, tout n’est pas mauvais : la recherche POSITIVE de l’équilibre !
L’orthorexie est désormais le nom pour l’obsession de manger sainement. Dans notre société où la sédentarité élevée et où la malbouffe entraînent une explosion de l’épidémie d’obésité, on valorise les personnes en bonne santé. Inconsciemment, notre société nous indique qu’être en surpoids est désormais considéré comme être en situation d’échec. Même les publicités pour les boissons sucrées (alors que les sodas sont pourtant les pires aliments de tous les temps), mettent en scène des acteurs à la vie épanouie, saine et équilibrée (même si c’est à l’opposé du produit qu’ils vendent).
Dans une démarche positive pour notre santé et notre bien-être, chacun d’entre nous fait attention à ne pas adopter de comportement alimentaire excessif. C’est une bonne chose, cela augmente notre bien-être et notre énergie au jour le jour et diminue nos risques pour la santé. Ce blog en est une illustration, nous cherchons à obtenir des informations fiables sur la manière de nourrir notre corps de manière plus respectueuse. Cet état d’esprit est constructif car il nous permet d’être plus attentif à nos besoins, d’avoir plus de patate au quotidien et de retrouver confiance en soi.
L’orthorexie, obsession négative d’une nourriture saine
Cependant, certaines personnes fragiles présentent des prédispositions qui peuvent transformer cette envie de bien-être en véritable obsession. Selon le docteur Steven Crawford, codirecteur du centre des troubles du comportement alimentaire à Sheppard Pratt, aux Etats-Unis :
Plus l’intérêt sociétal pour une alimentation saine grandit, plus les personnes les plus génétiquement prédisposées aux troubles du comportement alimentaire ont des risques de développer une orthorexie.
Tous le monde n’est pas concerné et ce n’est donc pas parce que vous souhaitez être mieux dans votre corps que vous risquez de développer un trouble alimentaire. Pour certaines personnes, une hygiène alimentaire correcte devient une véritable hantise pathologique. Du grec orthos (qui veut dire correct) et orexis (qui veut dire appétit), cette maladie psychiatrique s’appelle l’orthorexie nerveuse. Au même titre que l’anorexie et la phobie alimentaire, elle entraîne des problèmes graves de malnutrition.
Les différences entre l’orthorexie et les autres troubles du comportement alimentaire
Cependant, l’orthorexie présente des différences notoires avec certains troubles du comportement alimentaire mieux connus. L’anorexie et la boulimie, par exemple, sont des troubles liés à la quantité de nourriture ingurgitée. L’orthorexie est quand à elle liée à la qualité des aliments et non à leur quantité.
De plus, contrairement à l’anorexie, les patients souffrant d’orthorexie ne sont pas préoccupés par leur image corporelle, mais par la pureté de l’intérieur de leur corps. Ils ne cherchent donc pas à trouver comment avoir confiance en soi. Alors que dans les autres troubles du comportement alimentaire, les patients cachent leur habitudes, les personnes souffrant d’orthorexie ont tendance à les afficher sur Snapchat et Instagram.
Complétement nouvelle, cette pathologie est favorisée par la surenchère de mise en scène que provoquent les réseaux sociaux.
Exemples de cas clinique de patients atteints d’orthorexie
Un congrès de l’American Psychiatric Association a présenté plusieurs cas cliniques relevant de cette pathologie. Relevés dans l’article du journal médical Medscape, l’obsession du « manger sain », certains de ces cas sont révélateurs de la recherche excessive de pureté des patients qui sont atteints d’orthorexie.
Le journal cite ainsi le cas d’un homme de cinquante quatre ans, admis aux urgences après un jeûne strict à l’eau de trois jours. Ou le cas d’une nonne bouddhiste de 72 ans en état de malnutrition sévère, ayant commencé par adopter un régime paléolithique vu sur Internet (sans céréales, sans légumineuses, produits laitiers, sel et sucre), puis ayant progressivement éliminé tous les aliments.
Comment savoir si l’on souffre d’orthorexie ?
Le docteur Steven Bratman, inventeur du nom « orthorexie », mène de nombreuses recherches sur cette maladie. Il propose sur son site Internet 6 questions toutes simples pour savoir si vous souffrez d’orthorexie. Si vous êtes un adepte d’une alimentation saine, répondez aux questions suivantes. Si vous répondez oui à TOUTES les questions, vous développez peut-être une orthorexie.
Test Bratman d’auto-mesure de l’orthorexie
- Passez-vous tellement de temps à penser au mode de vie healthy (à choisir et à préparer des repas sains) que cela interfère avec les autres dimensions de votre vie, comme l’amour, la créativité, la famille, les amis, le travail ou l’école ?
- Lorsque vous mangez n’importe quelle nourriture, vous sentez-vous en mauvaise santé, anxieux(se), coupable, impure, malpropre et/ou souillé(e) ; même la proximité avec certaines nourritures vous dérange et vous condamnez sévèrement ceux qui mangent ces aliments ?
- Votre sens personnel de la paix, du bonheur, de la joie, de la sécurité et de l’estime de soi est-il excessivement dépendant de la pureté et de la justesse de ce que vous mangez ?
- Souhaitez-vous parfois mettre sur pause les règles alimentaires que vous vous imposez, pour des occasions spéciales comme un mariage ou un repas avec votre famille ou vos amis, mais vous êtes incapable d’y arriver ?
(Si vous avez des contraintes médicales qui vous imposent de ne pas faire la moindre exception à votre régime alimentaire, alors cette question ne s’applique pas pour vous). - Avec le temps, avez-vous régulièrement éliminé toujours plus de nourritures et élargi votre liste d’aliments bannis dans le but de maintenir ou d’augmenter les bénéfices sur votre santé ; allant parfois jusqu’à prendre une théorie alimentaire existante et à y ajouter vos propres croyances personnelles ?
- Suivre vos théories d’une alimentation saine vous a-t-il fait perdre plus de poids que ce que la plupart des gens estimeraient sain pour vous, ou a entraîné d’autres signes de malnutrition comme la perte des cheveux, l’arrêt des règles menstruelles ou les problèmes de peau ?
Si vous avez répondu oui aux 6 questions, consultez immédiatement un médecin.
Si vous n’avez pas répondu oui à l’ensemble des questions, vous ne souffrez pas d’orthorexie.
Conclusion
Complétement nouveau, ce trouble du comportement alimentaire démontre une fois de plus l’importance d’éviter les excès (le « trop » comme le « pas assez »).
Comme je le rappelle dans la règle n°11 de mes 12 principes de base : ne suivez pas de régime trop violent ! Votre corps est votre meilleur allié, il ne mérite pas d’être puni par l’alimentation. Au contraire, aimez-le et soutenez-le en prenant soin de lui avec bienveillance et beaucoup de douceur.
Il est également important d’apprendre à bien se connaître. L’orthorexie démontre une fois de plus l’importance de la psychologie dans l’alimentation. Vos traits de caractère et votre personnalité influencent la manière dont vous vous nourrissez.
C’est la raison pour laquelle je vous propose un test pour découvrir comment votre profil psychologique influence votre profil alimentaire.
Superbe article, bien documenté. Á lire et à partager sans modération. Merci Julian !