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Le sucre, nous l’aimons et le consommons en masse. Pourtant tout n’est pas si rose au pays de la saccharose !
En 2016, au terme d’une minutieuse enquête et après être tombé sur des documents internes de l’industrie, un chercheur de l’université de Californie à San Francisco, révélait un hallucinant scandale de corruption à grande échelle et surtout de manipulation massive de la population. Digne d’un film hollywoodien, cette histoire complètement dingue vous fera très certainement voir le sucre d’un autre œil.
Plongez avec moi dans les eaux troubles d’une industrie pas si blanche que ça…
Années 1960 :
la naissance d’une hallucinante machination autour du sucre
Tout débute dans les années 1960. À cette époque, l’industrie du sucre se regroupe et s’organise. Les industriels américains créent un groupe de lobbying, la Sugar Research Foundation.
Constatant le faible coût de production du sucre, ils souhaitent augmenter les ventes pour multiplier les bénéfices. En plus de l’énorme rentabilité économique, le sucre crée un fort taux d’addiction dans la population. C’est la magie du sucre !
Malheureusement pour eux, les premières conclusions médicales sont à charge. Le sucre donne des caries, des gingivites, du diabète et du surpoids. L’addition est lourde. D’autant plus que depuis les années 1950, les suspicions sont de plus en plus fortes sur le lien entre produits sucrés et maladies cardiaques. Pour les industriels, il est plus que temps d’agir.
Leur idée ? Au diable les conclusions négatives, trouvons des conclusions positives ! Mais, à part expliquer que le sucre est plaisant pour les papilles, rien à faire, c’est une catastrophe pour la santé. John Hickson, un grand patron de l’époque, discute en secret avec d’autres industriels d’un plan pour orienter l’opinion publique.
Ils élaborent alors une stratégie diabolique. Corrompre des scientifiques de renom pour publier de fausses conclusions médicales. Et rejeter les problèmes de poids et de maladies du cœur sur la graisse !
Trois scientifiques de la prestigieuse université Harvard acceptent le deal. Les docteurs McGandy, Hegsted et Stare. Déjà auteurs de l’étude scientifique Diète en glucide et niveau de cholestérol chez l’homme pointant les risques du sucre, ils sont les scientifiques parfaits. Ils acceptent de se contredire et de publier une fausse étude contre l’équivalent de 50.000 dollars actuels chacun. La correspondance entre les chercheurs et l’industriel John Hickson permet de saisir l’ampleur du niveau de corruption.
Avant d’entamer la rédaction de l’étude factice, le Dr Hegsted écrit :
« Nous sommes tout à fait au courant de vos intérêts particuliers et nous couvrirons cela aussi bien que nous le pourrons. »
Totalement conscients d’être corrompus, les scientifique effectuent donc des recherches, tout en truquant systématiquement les données recueillies. Ce qui n’est pas favorable pour le sucre est imputé à la défaveur des graisses. Échangeant régulièrement avec Hickson pour obtenir son approbation, ils offrent même à l’industriel la possibilité de dicter l’orientation générale. Celui-ci leur répond qu’il est plus que satisfait :
« Laissez-moi vous assurer que ceci est assez proche de ce que nous avions à l’esprit, et nous attendons avec impatience sa publication. »
L’étude, acceptée au début des années 60 par le New England Journal of Medecine, désigne alors sans surprises les graisses et le cholestérol comme cause des maladies vasculaires. Son titre ? Graisses alimentaires, carbohydrates (glucides) et athérosclérose (maladie vasculaire).
Réfléchissez… Où avez-vous déjà entendu parler du lien entre graisse et artères bouchées ?
Inutile de chercher bien loin : dans les publicités pour les margarines qui se vantent de lutter contre le cholestérol contrairement aux autres graisses !
C’est hallucinant mais vous avez bien lu. Cette publication scientifique complètement truquée a manipulé les croyances du monde entier depuis plus de 50 ans ! Tout le monde se méfie de la graisse. Même de nos jours, les messages d’information officiels font référence à un postulat erroné !
La publication, affirmant que le sucre n’avait aucune incidence sur ce type de maladie, a entièrement rejeté la faute sur les graisses. Un habile tour de magie pour l’industrie, une catastrophe sanitaire pour la population qui est totalement tombée dans le panneau.
Années 1970 :
l’art d’entretenir un écran de fumée sur la dangerosité des graisses
Les documents internes découverts ont également démontrés que l’industrie du sucre ne s’est pas arrêtée là. C’était tellement facile et tellement efficace, pourquoi s’en priver ?
La décennie entière fut mise à profit pour accumuler des soit-disant preuves sur la nocivité de la graisse. L’athérosclérose se manifestant par l’apparition de corps gras (lipides) dans les artères, la graisse était le coupable idéal.
Le groupe d’industriels finança ainsi un programme complet de recherche durant les années 70. Renforcés par le prestige de ces trois chercheurs à la renommée internationale, la machination était parfaite.
Nos trois compères corrompus accumulèrent donc les fausses études scientifiques prouvant que la graisse était le grand méchant loup :
- Effets quantitatifs des diètes en graisses sur le cholestérol chez l’homme
- Utilisation des graisses semi-synthétiques dans la détermination des effets spécifiques des diètes en acides gras sur la sécrétion de lipides chez l’homme
- Potentiel de réduction des risques associés à un niveau de lipides sanguins élevés
- Approche diététique institutionnelle de la régulation du cholestérol dans le sang chez l’adolescent mâle
- Étude pilote sur la régulation du cholestérol dans le sang chez l’adolescent mâle
- Programme diététique pour diminuer le cholestérol
- Etc., etc.
Depuis lors, la graisse est perpétuellement sur le banc des accusés.
Il faut dire que la stratégie mise en place s’est révélée diablement efficace. Avec de fausses études scientifiques clamant l’absence de nocivité du sucre et un fort taux d’addiction dans la population, les ventes s’envolèrent !
Évolution de la consommation moyenne de sucre dans le monde :
Ces chiffres correspondent à des moyennes mondiales. La consommation peut donc être très faible dans certains pays et frôler les 90 kg par personne et par an dans d’autres !
En France, elle est actuellement de 35kg par personne et par an.
Malheureusement, cette addiction et ces études truquées ont impacté le monde entier. La planète est devenue complètement accro au sucre.
Par exemple :
- Les Esquimaux sont passés de 11,8 kg en 1959 à 47,3 kg en 1967.
- Les Zoulous d’Afrique du Sud sont passés pour leur plus grand malheur de 3 kg en 1953 à 27 kg en 1964 !
Années 1980 :
la renommée pour les faussaires
Sur les 3 chercheurs corrompus par l’argent, 2 obtinrent des postes stratégiques dans les hautes instances. 🙁
Pour toutes les autorités médicales, les différentes études du trio malfaisant ne laissaient aucun doute. Elles étaient forcément vraies ! Les chercheurs présentant des conclusions contraires étaient ridiculisés. Contre trois pointures de Harvard, ils ne faisaient pas le poids. À cause de cela, tous les débats sur la dangerosité du sucre étaient systématiquement clos.
Au-dessus de tout soupçon grâce à leurs réputations, les trois compères continuèrent leur travail de sape.
Le Dr Mark Hegsted devint Président de la commission « Nutrition » de l’United States Department of Agriculture. Il aida l’État américain dans les années 80 à rédiger le guide diététique du gouvernement à destination de la population. Il orienta naturellement le gouvernement à condamner la graisse. Et suggéra des programmes pour faire la chasse aux graisses dans l’alimentation.
Le Dr Fredrick Stare devint quant à lui Président du département Nutrition de l’Université d’Harvard !
Aujourd’hui tous les trois décédés, ils ne furent jamais suspectés de leur vivant. Et ce n’est donc qu’en 2016 qu’un chercheur découvrit le pot aux roses, à travers les correspondances et documents secrets du groupe d’industriels !
2016-2017 :
La défense des lobbys du sucre
Tous les acteurs de cette histoire hallucinante sont morts…
La défense des lobbys du sucre est donc facile à trouver :
« Les lobbys ne sont pas coupables. Ce sont les personnages principaux de cette corruption qui sont coupables, c’est-à-dire les 3 chercheurs et les lobbys de l’époque. Ils sont morts ? Mince alors. Bon ben, tant pis ! »
Comme vous l’avez compris, personne ne veut assumer et surtout personne ne va s’excuser. 🙁
Depuis les années 1960, la Sugar Research Foundation a disparu. À la place, il existe désormais un lobby plus puissant encore, la Sugar Association.
Vous pensez peut-être qu’ils ont appris de leurs erreurs et arrêté de financer le monde de la recherche ?
Lourde erreur ! La Sugar Association affiche fièrement son objectif dès la page d’accueil de son site web. Selon les propres termes de ses dirigeants, la Sugar Association est :
« La voix scientifique de l’industrie U.S. du sucre, créant la différence en financant sans relâche la recherche scientifique et en partageant notre connaissance du sucre pour augmenter la compréhension et la confiance du consommateur dans le rôle que joue le sucre pour un régime nutritionnel équilibré et agréable. »
Sans commentaires… 🙁
Interrogé sur la découverte de ce scandale hors norme, le lobby rejette la faute sur le laxisme de la revue scientifique. Selon eux, à l’époque de la publication, les revues médicales n’effectuaient pas systématiquement de relectures par les pairs. Et la publication des liens d’intérêt n’était pas demandée. C’est donc entièrement la faute de la revue qui a publié les fausses études. Fin de la discussion.
Et maintenant :
est-ce la fin de la corruption (oups, pardon) des liens d’intérêt ?
Hahaha, vaste blague ! On ne change pas une équipe qui gagne…
La recherche scientifique coûte cher et l’industrie a de l’argent. Ce couple bancal a encore de beaux jours devant lui !
Deux tristes exemples pour vous en convaincre :
- En 2015, une enquête du New York Times, découvrit que Coca-Cola finançait pour plusieurs millions de dollars les scientifiques qui cherchent à atténuer le lien entre sucre et obésité.
- En 2016, Associated Press découvrit que les lobbys finançaient des études prétendant que les enfants qui mangeaient des sucreries avaient tendance à perdre du poids.
Or, les industriels n’influencent pas que les scientifiques et ne se contentent pas que du monde de la recherche. Ils cherchent également à influencer les politiciens du monde entier.
Les lobbys se sont créés dans l’anti-chambre du pouvoir. Ils ont donc entretenu cette proximité à travers l’histoire. Les liens obscurs entre dirigeants publics et industriels sont donc tout aussi nombreux. Et comme vous allez le découvrir, ce mélange des genres est propice aux petits arrangements…
En Europe, une récente étude du CIRAD intitulée « La représentation du sucre à Bruxelles : sociohistoire des pratiques de lobbying auprès des instances européennes depuis le début du XXe siècle », relate avec précision les liens étroits qu’entretient la filière avec les pouvoirs législatifs.
Selon ce document, les années 1970 :
« se caractérise(nt) par une cogestion forte entre les instances communautaires et les représentants de la filière. La légitimité historique, l’ancrage territorial, la proximité idéologique et les liens interpersonnels qui unissaient les décideurs européens et les représentants offraient à ces derniers un accès privilégié au processus décisionnel et leur permettaient de diffuser largement leur position. »
La période actuelle n’est pas en reste :
« Malgré les évolutions du système d’intermédiation des intérêts, les représentants de la filière vont poursuivre leur stratégie d’influence, basée notamment sur les relations privilégiées qu’ils entretiennent avec des représentants de la Commission. L’expertise fait partie des différentes pratiques de lobbying. (L’étude) souligne comment cette forme de lobbying est largement produite et encouragée par les instances de l’UE. »
Voila, voila… Tout est dit.
Vous comprenez maintenant mieux comment le sucre a réussi à être présent partout dans notre alimentation.
Quels sont les risques ?
Tout d’abord, qu’est-ce que le sucre ?
Extrait des plantes, comme l’agave américain, l’érable, le cocotier, le palmier dattier, le sorgho, etc., le sucre est devenu le roi de l’industrie agro-alimentaire. Désormais produit essentiellement à partir de la canne à sucre et de la betterave, il est extrait par pressage des plantes. Le sirop qui en découle est ensuite cuit pour en évaporer l’eau. La première cuisson donne un sucre très pur. La deuxième cuisson donne le sucre roux (canne à sucre uniquement). Un dernier essorage donne enfin un sirop visqueux chargé d’impuretés, la mélasse. La betterave ne donne quant à elle pas de sucre roux.
Pour être très pur et très blanc, le sucre subit ensuite des phases de raffinage. Cela donne le sucre en poudre ou en morceaux que vous connaissez.
Le sucre est principalement de la saccharose (composée de glucide et de fructose). Ces petits cristaux blanc ne contiennent plus de vitamines, ni de minéraux.
On en consomme plus de 5 tonnes par secondes dans le monde.
Quels sont les principaux risques pour la santé ?
Selon une étude de 2012 publiée dans le journal Nature, 35 millions de personnes meurent à cause du sucre chaque année ! Voici quelques « joyeusetés » que nous offre le sucre :
Les caries et les gingivites
Le sucre détruit l’émail des dents. Son acidité ronge la dentine puis la pulpe dentaire et produit des rages de dents. Si elles ne sont pas traitées, les caries peuvent entrainer la nécrose (la mort) de la dent.
Une mauvaise hygiène dentaire entraine également des risques de maladies cardiovasculaires. En effet, la bouche est l’une des zones du corps humain comportant le plus de vaisseaux sanguins. Les bactéries de la bouche passent dans le sang et finissent par attaquer et fragiliser le cœur.
L'obésité
Le rôle du sucre dans l’épidémie actuelle d’obésité n’est plus à prouver.
Il semble également que le sucre sous forme liquide (plutôt que solide) accentue encore d’avantage la prise de poids. Lire sur ce sujet la règle n°7 de mes 12 principes pour maigrir. Surtout, buvez de l’eau !
Les carences
Le sucre perturbe les signaux de satiété et de faim. L’absence de vitamines et de sels minéraux peut entraîner des carences nutritionnelles.
Les maladies cardio-vasculaires
Vous l’avez compris dans cet article, le sucre ne fait pas bon ménage avec vos artères.
Par exemple en 2010, 45.000 accidents cardiaques mortels étaient imputables aux seules boissons sucrées.
Le diabète
Une fois avalé, le sucre passe très rapidement dans le sang. Il fait monter le taux de glycémie et finit par dérégler la sécrétion d’insuline.
133.000 décès pour cause de diabète sont imputés aux seules boissons sucrées… 🙁
L’art de faire passer des vessies pour des lanternes
Tadam ! Par un habile tour de passe-passe, les industriels du sucre ont réussi l’impossible. Rendre incontournable un produit mortel. Et en plus, accuser un autre produit de ses propres méfaits. Aucun scrupule. Le monde est accro et le tiroir-caisse se remplit toujours plus.
C’est la magie du sucre !
L’excellent article de lobbycratie.fr sur le sujet de l’industrie du sucre, reprend un éditorial du journal Le Monde qui résume très bien la situation :
« La consommation (de sucre), présente autant de dangers que celle d’alcool ou de tabac. En clair, elle est mortifère. Et la lutte contre ce poison ne relève plus des simples campagnes de prévention : elle appelle une politique d’interdiction pure et simple. »
Il n’y a pas 36 solutions : arrêtez de consommer du sucre dès aujourd’hui ! Et si vous aimez le goût du sucre et n’arrivez pas à vous en passer, préférez toujours le miel.
Excellent, vraiment génial cet article !!!
C’est passionnant, bien écrit (avec du suspens!), on découvre une histoire de dingue, avec des photos super belles et rigolotes. Une vraie enquête, j’ai adoré!
Bravo, bravo, bravo !!! Un vrai plaisir à te lire
OK Julian, c’est décidé j’arrête le sucre !! 😉
😀 😀 😀
Merci beaucoup Lili ! Tes compliments super enthousiastes me donnent la patate et me remplissent de bonne humeur pour la journée !
Sais-tu que la Stévia (une plante édulcorante) a été interdite de culture et de vente en France (et en Europe?) jusque dans les années 2000. Pourquoi est-il possible d’en cultiver et de s’en procurer maintenant? En partie à cause de Coco Cola qui s’intéressait à elle pour la mettre dans ses produits light …
C’est d’ailleurs dommage qu’on n’en parle pas plus en France car en Allemagne (et d’autres pays?), elle est très populaire, transformée et proposée au public sous diverses formes plus ou moins bien utilisables (liquide, poudre, comprimés) selon le liquide à sucrer, sa température et sa destination. Le mieux est de l’essayer pour s’en faire une idée. Disponible dans les magasins bio.
Merci beaucoup pour ton commentaire éclairé ! 😀
Je n’étais pas du tout au courant de tout cela, n’étant pas vraiment consommateur de stévia…
Je pensais naïvement que cette plante avait été découverte récemment et que cela était la raison de son apparition soudaine sur le marché depuis quelques années.
Il serait donc intéressant pour moi de me pencher sur le sujet, afin de savoir notamment l’impact que peut avoir cette plante sur la santé. As-tu des infos sur ce sujet ?
Le site de Wikipedia explique très bien l’enjeu de cette plante dans l’économie, l’industrie et notre santé : https://fr.wikipedia.org/wiki/Stevia
Merci beaucoup, j’ajoute la stévia dans la liste des sujets sur lesquels il serait intéressant d’écrire un article ! 😀